Une équipe de Bakchich TV était présente mercredi soir pour accompagner une action pacifique dans le métro parisien (tout comme Bastamag et bien d’autres). But de l’action: informer les passagers sur ces fameux écrans géants qui pullulent depuis quelques mois en quête de « bouts de cerveaux disponibles ». Autocollants, peintures et marqueurs ont été utilisés pour attendre une quinzaine de stations et près de 120 panneaux (soir un tiers du parc actuellement installé…). La RATP prévoit d’en disséminer plus d’un millier d’ici quelques mois. Cela fait des années que ces écrans sont dénoncés par des associations, des anti-pub aux anti-Big Brother, pour leurs capacités à capter encore plus l’attention des voyageurs tout en traquant leurs comportements.

Un des panneaux "décorés" mercredi soir (danger-ecranpub.tk)
Ces écrans dits Numeriflash (nom commercial) donnent à l’affichage publicitaire une dimension jusqu’ici inégalée: ils diffusent en continu des spots vidéo à l’impact proche ce ceux des pubs télévisées, des messages que l’on peut changer à l’envie, et à distance (bientôt fini le temps des employés afficheurs avec leur balais et leur colle…) en fonction du lieu de passage et des heures de la journée. Les industriels laissent volontairement planer un certain flou sur les réelles capacités intrusives de ces panneaux vidéo. Mais il semble que au moins deux capteurs d’images sont intégrés pour analyser le comportements des passants. La pub est donc « intelligente » avant tout pour les annonceurs et la régie Metrobus (dont Publicis et JC Decaux sont co-actionnaires), pas pour les cerveaux de ces beunets de voyageurs.
En 2009, les assos ont porté plainte en référé (TGI de Paris, 1er avril) contre les protagonistes de cette nouvelle invasion qui n’a jamais été soumise à la moindre représentation — privatiser l’espace public, ou semi-public, n’a pas besoin de lois ou de décrets. Le TGI de Paris les a débouté — tout en écartant totalement la demande légitime d’expertise technique indépendante (lire ici un récapitulatif complet sur cette procédure). Les industriels disent donc: « tout va bien, arrêtez votre parano », mais dans le même temps refusent d’ouvrir leurs panneaux, entretenant le doute — et cette même paranoïa qu’elles dénoncent — sur leurs réelles capacités à surveiller les passants à leur insu.
Les prestataires de Metrobus, notamment la société Majority Report, savent pourtant être très convaincants lorsqu’il s’agit de « vendre » leurs technologies au plus offrant. Leurs capteurs peuvent ainsi discerner avec précision qui passe devant tel publicité et comment peut s’analyser le comportement du consommateur (ci-dessous, une démo parlante du prestataire Quividi).

Dans le métro en septembre 2010
Disons le clairement : même si les données traitées sont soi-disant « anonymes » (ce qui resterait à prouver), les citoyens sont en droit de refuser d’être ciblés, scannés, analysés à leur insu en vue de servir, tels des cobayes humains, des intérêts privés ou simplement d’encourager la surenchère publicitaire dans l’espace public. Des données personnelles n’ont pas besoin d’être forcément identifiables pour qu’elles restent entre les mains de leurs détenteurs légitimes.
L’action de mercredi dernier a été « revendiquée » par un mystérieux groupe, « Danger Ecrans Pub », qui met à disposition de tous un excellent dossier récapitulatif de cette saga. Cette action non-violente et peu dégradante fait suite à un raid un peu plus costaud où certains panneaux, en juin dernier, ont été attaqués à la masse, ayant conduit à la mise en examen de plusieurs personnes… (ci-contre: photo prise en septembre — sans aucun lien avec l’action de mercredi dernier).
Voilà le communiqué diffusé le 24 novembre à 23h par ce collectif.
Mercredi 24 novembre 2010 – 23h00
Action massive contre les écrans publicitaires espions de la RATP
En début de soirée, plusieurs groupes de personnes sont descendus dans les couloirs du métro parisien pour dénoncer l’installation des nouveaux écrans publicitaires espions ACL (Automatique à Cristaux Liquides, LCD en anglais) par la RATP et sa régie publicitaire Métrobus.
A l’aide de marqueurs, bombes de peinture aérosol et autocollants, ils ont méthodiquement apposé leurs messages sur les dispositifs incriminés pour alerter les usagers des dangers et nuisances que représentent ces écrans.
Un tiers des panneaux Numériflash actuellement en fonctionnement dans les couloirs du métro ont été atteints. Au total, 118 panneaux ont été touchés dans 16 stations (Chatelet, Gare de Lyon, Villiers, Gare Saint Lazare, Gare de l’Est, Nation, Auber, République, Grands Boulevards, Gare Montparnasse, Saint François Xavier, Miromesnil, Gare d’Austerlitz, Place d’Italie, Denfert-Rochereau et Port-Royal).
Selon Robert Johnson, porte-parole du collectif, “cette action vise à dénoncer les dangers démocratique, environnemental et social que représentent les nouveaux écrans publicitaires. Face à l’incurie de nos dirigeants et au mépris de la RATP qui bafoue son rôle de service public, il est légitime que des individus se révoltent et alertent les usagers des transports en commun face à cette nouvelle menace.”
Pour Norbert, activiste présent ce soir, “cela a été une magnifique action. J’ai été ravi de voir à quel point les personnes que nous avons croisées comprennent ce que nous faisons et nous félicitent. Ces encouragements ne font que renforcer ma conviction que nous agissons en phase avec l’opinion publique et dans le sens de l’intérêt collectif. Lorsqu’on leurs explique que des caméras installées dans les panneaux nous analysent en temps réel et permettent de déterminer notre sexe ou notre âge pour mieux cibler les publicités diffusées, ils sont autant scandalisés que moi. Nous ne sommes pas des rats de laboratoire !”.
Ceci n’est qu’un début … A bientôt !
Dossier de presse complet, regroupant motivations et explications, disponible sur le site internet : http://www.danger-ecranpub.tk
Lire aussi la réaction de Nicolas Hervé (Résistance à l’Agression Publicitaire) sur Libé.fr