La puce mortelle contrôlée par GPS, une idée qui fait son chemin

Publié: 02/06/2009 dans A suivre
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En langage nerd, on appelle ça une « killer application » — un truc mortel, l’application qui tue. Et pour le coup elle porte bien son nom.

verichip+ poison

Il s’agit d’une «puce tueuse» commandée à distance par satellite… Le procédé, décrit il y a trois semaines dans quelques dépêches, paraît simple comme bonjour: une puce électronique qui contiendrait un récepteur GPS, un composant assez minuscule pour être injectée sous la peau, et qui permettrait de suivre à la trace un individu afin par exemple qu’il ne dépasse pas certaines limites géographiques. A ce stade là, rien de bien nouveau. En matière de géolocalisation judiciaire, le principe du bracelet électronique mobile, inscrit depuis presque 3 ans dans le code de procédure pénale français, revient à peu près au même résultat. Mais si cette invention a, parait-il, été retoquée par l’Office allemand des brevets, le DPMA, c’est pour son application finale: le dispositif contiendrait une capsule de poison — du cyanure, par exemple —, et une fois qu’un certain périmètre serait dépassé, la puce serait capable de libérer une dose létale afin de foudroyer sur le champs le contrevenant…

Nous n’avons pas encore pu mettre la main sur la description exacte de cette demande de brevet, qui émanerait d’un inventeur saoudien — les sources sont imprécises, voire mystérieuses. Les finalités décrites ici et là évoquent le fait de surveiller pas mal de monde…  Fox News s’en réjouit d’avance : «Terroristes, criminels, fugitifs, immigrés clandestins, dissidents politiques», et même du «personnel de maison» d’origine étrangère qui dépasserait la limite de validité de son permis de séjour…

En matière de débouchés vicieux à la géolocalisation, c’est un concours Lépine permanent. Surtout avec l’arrivée en fanfare des « perfides », les puces d’identification par radio-fréquences (RFID), qui peuvent être déclinées pour être détectables par à peu près tous types de réseaux télécoms. Au début des années 2000, la société Applied Digital Solutions sortait un de ces produits miracles que les accros du NASDAQ affectionnent particulièrement: Digital Angel. Une puce de type RFID de la taille d’un grain de riz, à injectée sous la peau. Sa première application, malin, était réservée aux… animaux de compagnie. Il n’était pas question, ô grand jamais, de l’autoriser sur des êtres humains. Mais chemin faisant, les autorités sanitaires (Food and Drug Administration) ont accepté, en 2004, de valider leur application sur l’homme dans des «circonstances particulières». Comme, par exemple, pour garder une trace sur sa progéniture ou une personne âgée. Aujourd’hui, la société — rebaptisée Digital Angel, Inc. — est sous le contrôle d’un autre géant du secteur, Verichip, celui-là même qui est parvenu à obtenir le feu vert de la FDA pour « pucer » des êtres humains. Après l’utile, l’agréable: une boite de nuit de Barcelone continue de se faire mousser pour proposer la puce sous la peau en guise de carte de membre…

Bien entendu, cette seconde étape repose sur le consentement de la personne, ou tout du moins sur celui de ses responsables légaux. Dans certains hôpitaux français, outre des tentatives de « protéger » les nouveaux nés contre le rapt de bébés, en leur imposant des bracelets RFID, il est prévu d’équiper des mêmes bracelets toute personne se présentant aux urgences. Il n’est pas encore question de les injecter d’office, dans le bras… Ça viendra. Les responsables mettent en avant le caractère « volontaire » de cet étiquetage, même si en arrivant aux urgences, le discernement nécessaire pour accepter un tel dispositif peut laisser à désirer.

En 2007, un collectif d’éleveurs de brebis s’oppose au « puçage » obligatoire de leurs troupeaux. Une directive européenne oblige en effet, sous peine de ne plus recevoir d’aides de l’Union européenne, les bergers à radio-identifier leurs bêtes. «On sait que l’on fait d’abord aux bêtes ce que l’on fait ensuite aux hommes, en commençant par les plus faibles et démunis : les enfants, les vieux, les malades, les SDF, les nomades, les étrangers, les prisonniers», écrivaient-ils en octobre 2007, dans un inventaire à la Prévert que ne renierait pas notre cher inventeur saoudien! (La revue Z en parle dans son numéro 1).

L’étape suivante, après s’être assuré que l’être humain vaut autant qu’un animal lorsqu’il s’agit de «sauver des vies» — argument déjà entendu du côté de fabricants d’armes dites «non létales» comme le pistolet Taser — consiste ensuite à envisager des applications «non désirées», c’est à dire contraintes par la volonté d’une autorité supérieure, judiciaire, politique ou économique. Exemple parmi tant d’autres, iSecureTrac — une balise satellite spécifiquement dédiée au repérage de délinquants en tous genres. En France c’est début 2004 que le Parlement lance ses premières études sur la SEM, la « surveillance électronique mobile » — à différencier du bracelet « fixe », instauré un peu plus tôt; et son premier « bénéficiaire » sera équipé en août 2006.

Dans cette histoire de « puce tueuse », la question n’est donc pas de se réjouir de la décision de l’office allemand des brevets — c’est sur des bases d’éthique et de morale que le DPMA à refusé d’enregistrer cette bien belle invention. L’enjeu est bel et bien de repousser les limites de l’«acceptable» — donner la mort à distance en appuyant sur un bouton, quelle horreur… — , afin de convaincre la population que tout le reste l’est, «acceptable»… En agitant le chiffon rouge autour d’une application ouvertement scandaleuse de la géolocalisation, on s’assure que le principe de surveiller un individu en permanence, lui, n’est même plus discutable — il passe d’autant plus comme une lettre à la poste. Et chacun sait que le curseur de la « moralité » répond à une géométrie variable facilement manipulable au gré des menaces ou des peurs qu’un Etat est capable de distiller dans la population.

Aux Etats-Unis, la « moralité » a ainsi poussé l’USPTO, l’office des brevets et des marques, à accepter l’invention de la société canadienne Lamperd FTS, un confrère de Taser, qui a conçu un bracelet RFID destiné à immobiliser à distance (pas à tuer, quand même — pas encore) des dissidents politiques… Brevet US n°6.933.851.

La face cachée du système OpTag

La face cachée du système OpTag

Autre exemple: OpTag. Un système financé par la Commission européenne et destiné — finalité première — à pister les «retardataires» dans les aéroports. La carte d’embarquement serait insérée dans un bracelet géolocalisable pour faciliter la « fluidité » à l’embarquement… Pourtant, la fiche technique précise qu’il s’agit aussi de «surveiller et repérer les individus pouvant poser un risque économique ou de sécurité à la gestion effective des aéroports»… Et qu’il serait un jeu d’enfant d’y ajouter une fonction « paralysante » comme celle du bracelet canadien.

Bref, la puce tueuse au cyanure n’a pas encore de brevet. Mais c’est déjà une « killer app » pour l’imaginaire collectif.

PS – Attention aux effets seconds des « puces tueuses ». Car pour dénoncer l’absurde argument « sécuritaire » du passeport électronique, contenant ces fameuses puces guidées par radio, il est possible de déclencher une explosion à distance: passé un certain périmètre, la puce d’un passeport servirait de détonateur…

commentaires
  1. manhack dit :

    euh…: quid de la faisabilité technique de la chose ? On a déjà vu des brevets portant sur des « idées » plus que sur des inventions d’ores et déjà testées et éprouvées.

    Parce que je n’avais jamais encore entendu parler de modules GPS suffisamment miniaturisé pour pouvoir tenir dans une puce RFiD (sans parler de l’antenne), mais si en plus il faut y rajouter un module permettant de libérer du poison passé un certain périmètre… ça fait un peu « gros », pour une « puce », non ?

    Reste que le problème est bien aussi, et comme on l’a vu avec Verichip, de préparer l’opinion publique à la possibilité de mettre en oeuvre de telles applications. Le fait que Fox News reprenne ainsi l’info n’est à ce titre pas anodin.

  2. numerolambda dit :

    Ah! la faisabilité de la chose n’est évidemment qu’accessoire dans ce débat idéologique! On peut imaginer que le fameux « inventeur saoudien » a décrit comment il s’y prend dans son brevet… Ou alors c’est plus que bidon. J’ai demandé à y avoir accès, je ne pense pas que ce soit un document « public » sinon il ne chercherait pas à la protéger. Et je pense aussi que c’est trop gros pour n’être qu’une question de faisabilité technique!

  3. blaz dit :

    concernant la géolocalisation des puces RFID : pas besoin d’embarquer un émetteur/récepteur GPS dnas la puce, il suffit d’installer des portiques aux bons endroits : entrées de magasin (portiques de sécurité qui bipe si vous passez un article pucé), les entrées de métro (la carte navigo contient une puce RFID) etc.. Le portique émet un signal qui est « réfléchi » par la puce. le signal renvoyé au portique contient l’ID de la puce. celui-ci relié à un ordinateur vérifie l’état de l’ID (passage autorisé ou non par exemple pour passer de la zone RER à la zone métro après avoir consulté l’ordinateur des abonnements de la RATP). Dans le cas de la puce tueuse, le portique se contenterait d’envoyer un signal à la puce pour qu’elle libère le cyanure. technologiquement, ça n’a rien d’impossible.

  4. lilu dit :

    Le retour de la peine de mort, alors ?
    Honteux !

  5. zine dit :

    Youpi, le meilleurs des monde pour bientôt !!!!

  6. tiphtiph dit :

    on se croirait dans une fiction…
    esperont que ce sera une happy-ending, au moins pour ce point.
    ca fait froid dans le dos, quand meme…
    l’ethique du progres technique?

  7. […] autre gadget idiot quand je suis tombé sur #numéro lambda# et l’assez terrifiant article « Puce mortelle ». Puis, en passant par  Sauvons les riches et surtout Le plan B (au visuel particulièrement mal […]

  8. Max dit :

    Quid de nano-puces injectables via vaccins ???

  9. Genefort dit :

    Il s’agit d’une vieille idée de la littérature de SF concentrationnaire et dystopique, remise au goût du jour dans des séries B comme « Fortress » (un nanard de Stuart Gordon avec Christophe Lambert).
    Ce n’est pas la seule idée recyclée : le développement des drones militaires (de surveillance et/ou offensifs) en relève également.

  10. […] une balise GPS — qui peut selon certains être assez miniaturisé pour se loger dans une micropuce empoisonnée à injecter sous la peau—, répond au même principe technique que le «bracelet électronique […]

  11. […] La puce mortelle contrôlée par GPS, une idée qui fait son chemin numero lambda 2/06/2009 […]

  12. Von Morthes dit :

    Mes plus sincères salutations à Georges Orwell (Eric Arthur Blair, de son vrai nom)…Secoué de soubresauts, Quelques mètres sous terre, à ne point en douter…
    Vraiment…Quelles funestes applications technologiques…

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